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L'épopée stéphanoise
Le sport pour les personnes handicapées se structure essentiellement après la Seconde Guerre mondiale, notamment grâce aux actions successives et combinées du Docteur Guttmann en Angleterre et de Yves Nayme à Saint-Etienne. Notre territoire prend très vite une place prépondérante à travers l’organisation de plusieurs compétitions mondiales et européennes entre 1966 et 1990. Né au départ d’une volonté de réparer et de réadapter les corps, le mouvement handisport se transforme pour mettre en avant la performance sportive et la compétition.
Naissance d'un mouvement
Jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, le sport pratiqué par les personnes handicapées est considéré comme une forme de rééducation destinée en priorité aux invalides de guerre. Précurseur en Angleterre, le neurologue d’origine allemande, sir Ludwig Guttmann organise les premiers jeux internationaux dans la banlieue londonienne à l’hôpital de Stoke Mandeville en 1948.
Invalides de guerre et invalides civils
Nombreux sont les handicapés à vouloir s’initier ou se remettre au sport. Dans les années 1950, en Europe, particulièrement en Angleterre, en Autriche et en Allemagne les médecins sont les premiers à se mobiliser pour la pratique sportive des handicapés, en particulier celle du ski. En France, ce sont souvent de jeunes handicapés souhaitant pratiquer une activité sportive qui émergent. Ils portent un regard différent sur leur handicap et refusent la distinction entre civil et militaire.
Amputé fémoral suite à une blessure de guerre, le parisien Philippe Berthe permet la pratique du ski dans un cadre civil tout en utilisant son réseau d’Anciens Combattants. Il créé en 1954 l’ASMF (Amicale Sportive des mutilés de France) avec le parrainage des épouses des maréchaux Leclerc de Hautecloque et Delattre de Tassigny. Pour lui, la pratique sportive « va redonner à chaque handicapé dix ans de vie supplémentaire ». Le sport est à la fois un moyen de rééducation mais aussi un lieu d’entraide.
A Paris et en province
En 1965, la FFSHP (Fédération Française des Sportifs Handicapés Physiques) créée en 1963 est dirigée par Philippe Berthe. Deux comités régionaux se mettent en place en région parisienne et dans la région stéphanoise. Pierre Volait prend la direction du comité d’Ile de France et Yves Nayme du comité Lyonnais, Forez, Dauphiné Savoie. Alors que Philippe Berthe vient d’un milieu modeste, Yves Nayme est un notable stéphanois. Berthe craint que Nayme utilise la fédération pour maintenir son rang. Les comités régionaux se plaignent de la mauvaise gestion financière de la fédération qui ne répond que partiellement à leurs attentes. En 1966, Pierre Volait, blessé pendant la Seconde Guerre mondiale, administrateur de société de métier, accepte de prendre la présidence de la FFSHP en vue de son redressement financier.
Le comité Lyonnais Forez Dauphiné Savoie qui regroupe les associations de la Loire, du Rhône, de Valence et de Savoie, est créé le 30 octobre 1965. Yves Nayme en est le président.
Lyon et Saint-Étienne
Au cours des années 1960, le docteur Réty à Lyon et Yves Nayme à Saint-Étienne œuvrent dans leurs villes respectives pour permettre aux handicapés physiques de pratiquer le sport au-delà de la simple rééducation.
Joseph Réty, malgré une amputation de la jambe gauche suite à une blessure au genou mal soignée, poursuit ses études de médecine et entre aux hospices civils de Lyon. Sa rencontre avec le sportif Étienne Chapasse, aveugle et unijambiste le convainc que la pratique sportive favorise l’acceptation du handicap. Il fonde le 8 février 1962, l’ASRHP (Association Sportive Rhodanienne des Handicapés Physiques).
De son côté, Yves Nayme, guéri d’une poliomyélite et après avoir vu des handicapés autrichiens skier à Courchevel, souhaite reprendre ses activités sportives et les rendre accessibles à tous. Il s’entoure de Luciole de Richemond puis de Maguy Pelletier qui deviennent rapidement des piliers de l’ASHPL (Association Sportive des Handicapés Physiques de la Loire) créée le 12 novembre 1962.
Interview de Joseph Réty, extrait du film La joie par le sport, film de Jean Pradinas,1966, Cinémathèque de Saint-Étienne, RT 7374
Les deux associations organisent conjointement des week-ends de ski réservés aux handicapés dans la station de Courchevel. Lyonnais et Stéphanoise, André et Jeannette Calza se rencontrent dans la station savoyarde.
Entretien avec André et Jeannette Calza, extrait de l’enquête dirigée par Anne Marcellini pour le laboratoire SanteSih, université de Montpellier, images, Daniel Denis, 2012
Interview d’André Calza, extrait du film La Saulire comme les autres, film de Jean-Claude Parayre, 1968, collection particulière
Avec la présence d’Yves Nayme au sein du comité directeur de la FSHPF dès sa création en 1963, ainsi que l’organisation des premiers jeux européens des handicapés physiques à Saint-Étienne en 1966, l’ASHPL s’impose sur le plan national.
L'aventure stéphanoise : l'émancipation et la création de la FFOHP
Suite aux désaccords d’Yves Nayme avec la fédération concernant notamment l’organisation des jeux d’hiver de Courchevel de 1972, il démissionne de la fédération nationale et crée une fédération parallèle : la FFOHP (Fédération Française Omnisports pour Handicapés Physiques) pour « stimuler le système, le faire bouger, le faire éclater afin de créer des concurrences sur le terrain, donc d’avancer et de progresser ». Grâce à l’expérience qu’il a acquise avec l’ASHPL, Yves Nayme sait qu’il peut compter sur le soutien financier des collectivités locales et des clubs services, notamment du Rotary club. Quelques associations comme celle d’André Auberger en Touraine et de Jean Jeuland à Rennes, l’ASPA de Tourraine, ou encore le club de Blois adhèrent à cette organisation dissidente. Yves Nayme préside la nouvelle FFOHP déclarée le 12 février 1972 à la préfecture de la Loire, avec comme vice-président Jean Jeuland et Maguy Pelletier comme secrétaire et Luciole de Richemond comme trésorière.
Entretien avec Maguy Pelletier, extrait de l’enquête dirigée par Anne Marcellini pour le laboratoire SanteSih, université de Montpellier, images, Daniel Denis, 2005
L’expérience de 2 fédérations nationales n’est pas concluante. Elles se divisent plus qu’elles ne se stimulent. Au cours de l’année 1976, les dirigeants de la FFOHP en appellent aux présidents des associations de la FFSHP : « Retrouvons-nous dans les disciplines que nous aimons pratiquer pour le plus grand profit des handicapés. »
En décembre 1976, une assemblée générale extraordinaire regroupe au Chalet des Alpes, dirigeants et associations des deux fédérations, Luciole de Richemond note qu’« après avoir écouté débattu, réagi avec le cœur et la raison, se dégage une profonde entente. »
Les 8 et 9 janvier 1977, se tient l’assemblée générale constituante de la nouvelle Fédération Française Handisport avec Marcel Avronsard comme président. La scission aura permis la reconnaissance officielle de la nouvelle fédération par le ministère des sports.